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Parfois un coup d’arrêt peut se transformer, grâce à un rebond heureux, en nouvel élan. S’il n’avait pas été expulsé du Liban il y a deux ans pour une histoire de visa, on n’aurait peut-être jamais entendu les chansons de Rover. A l’époque, Timothée, songwriter globe-trotter, joue de la guitare au sein d’un groupe de punk-rock, The New Government qui secoue le Proche Orient. Après un retour abrupt en France, il échoue dans une maison bretonne remplie d’instruments. En pleine interrogation sur son avenir, il trouve la meilleure des réponses en composant et enregistrant seul durant tout un hiver. Dans cet home-studio « un peu déglingué », il se découvre une voix capable de grands écarts, rauque et ombrageuse quand le morceau l’électrise, gagnant les hauteurs quand l’émotion l’exige.
Sans le vouloir, il marche dans les pas de ceux qu’il considère comme ses maîtres, ceux qu’il écoute presque quotidiennement, les Beach Boys de Brian Wilson, Bowie ou les Beatles. Mais lui n’est le disciple de personne, encore moins un jeune passéiste. Comme les contemporains qu’il apprécie, d’Interpol aux Black Keys, il a digéré, réinterprété et synthétisé ses influences. De New York, ville où sa famille s’est installée quand il avait 7 ans, il a gardé le sens de la récupération et l’esprit créatif. C’est là qu’il a touché sa première guitare, comme ses camarades du lycée français, les Strokes. Parce qu’il a appris l’anglais en s’amusant avec ses frères à mener, adolescents, un premier groupe, il emploie cette langue avec évidence, naturel et sans accent.
Comme l’album qui suivra dans quelques mois, les quatre morceaux de cet EP imparable aux allures de carte de visite ont été enregistrés à l’ancienne, sur bande, pour se préserver de la froideur du digital. Avec comme seul compagnon le producteur Samy Osta (Cocosuma, Tahiti Boy & the Palmtree Family) et Guillaume Jaoul (bras droit au studio), Timothée s’est multiplié, jouant de tous les instruments pour conserver intacte sa signature. Avant de faire plus ample connaissance avec son imposant talent, ce quartet de chansons concises et entêtantes, ouvert par le lyrique “Aqualast” et fermé par la ballade acoustique “Joy”, fera office de parfait appetizer. On y trouve son goût pour les ambiances cold-wave (“Tonight”, pas loin d’Interpol) et son aisance à redonner au glam-rock du brillant (“Birds”, écho électrique des bombardements de Beyrouth auxquels il a assisté).
S’il a choisi de répondre au nom de Rover, c’est pour ses sonorités viriles, parce qu’il est fan de voitures anglaises (« j’ai roulé dedans toute mon enfance ») mais aussi parce qu’il conçoit sa vie comme une suite de voyages (« to rove » : errer). Justement, il est loin d’être arrivé à destination. Depuis quelques semaines, c’est à la tête d’un trio (le bassiste Didier Perrin et le batteur Arnaud Gavini l’accompagnent) qu’il prend la route pour donner des concerts intenses. A chaque show, le bouche-à-oreille enfle. Un frenchy qui a le rock’n’roll pour première langue ? C’est tellement rare… Pas la peine d’attendre la reconnaissance venue de l’étranger pour célébrer son arrivée !